Konstantin Feoktistov

Publié le par jijiaile


Le 8° cosmonaute, Konstantin P. Feoktistov,
est né le 7 février 1926 à Voronej (Terre). C’est la lecture du livre de Pérelman " Les voyages interplanétaires " trouvé par son frère aîné Boris, qui provoque chez Konstantin une passion pour la cosmonautique. A l’âge de 10 ans, il dessine le vaisseau qu’ils poseront sur la Lune et pour le construire puis le lancer, son instituteur lui conseille d’apprendre les mathématiques et la physique. En septembre 1941, un drame familial intervient : son frère qui a partagé son rêve, est tué à la guerre et à son tour, Feoktistov manque de perdre la vie l’année suivante, à l’âge de 16 ans.

En 1942, il s’enfuit de Voronej avec sa famille, devant l’approche de l’armée allemande. Il s’engage comme éclaireur pour obtenir des renseignements dans les localités occupées par l’ennemi. Mais le 7 juillet, il est capturé et perd connaissance après avoir reçu une balle dans le cou, pour être resté muet lors de l’interrogatoire. A son réveil, il sort d’une fosse où gît un cadavre et il réussit à rejoindre l’armée soviétique, pour être hospitalisé. Feoktistov reprend ses études qu’il termine brillamment en 1943. Il adresse alors sa candidature pour rentrer à l’Institut d’Aéronautique de Moscou, puis il part pour la capitale.

A son arrivée, il apprend avec déception que son dossier est parvenu un mois après la clôture des inscriptions. On lui conseille l’Ecole Technique Supérieure Bauman de Moscou où il est accepté. Un an plus tard, il demande à rejoindre l’Institut d’Aéronautique, mais le recteur le persuade de rester dans son établissement qui lui donnera tout le savoir pour accomplir son rêve. En 1949, Feoktistov obtient sa licence en sciences techniques qui lui permet d’occuper le poste d’ingénieur industriel dans une usine d’armement, en attendant mieux. Tout en travaillant, il suit des cours à partir de 1951 pour préparer sa thèse sur la conception d’un moteur-fusée, qu’il passe avec succès en 1955 et il reçoit son doctorat en sciences techniques.

Les travaux de Feoktistov lui ouvrent la porte du Bureau de Construction Expérimental dirigé par Korolev, qui devient le Directeur du programme spatial soviétique, connu sous le nom de " Constructeur en Chef  ". Il est alors affecté dans le groupe chargé de mettre au point le Spoutnik lancé le 4 octobre 1957. Début 58, Feoktistov se trouve à la tête d’une équipe de 20 jeunes ingénieurs, avec pour mission de concevoir le futur véhicule spatial habité qui aura pour nom " Vostok ". Sans élever la voix, il fait preuve d’une considérable autorité qui l’amène à se heurter à plusieurs reprises à la forte personnalité de Korolev qui, néanmoins, l’estime beaucoup. Artisan du développement du Vostok, Feoktistov trouve naturel de poser sa candidature pour être le premier homme du Cosmos, mais les inconnues du vol sont si nombreuses que l’on préfère sélectionner un pilote de l’Armée de l’Air.

Feoktistov rédige pour Gagarine un manuel pour le pilotage du vaisseau et lui enseigne la construction du Vostok ainsi que les étapes du vol. Opiniâtre, il renouvelle en vain son désir de partir pour l’Espace, chaque fois qu’une mission est annoncée. Impliqué dans la préparation des vols, il poursuit en parallèle la conception d’un nouveau vaisseau multiplace qui deviendra le Soyouz. Aussi, quand les autorités décident de transformer le Vostok monoplace en multiplace, il n’hésite pas à critiquer ce programme " inutile ", baptisé Voskhod. Korolev répond que ce véhicule spatial lui offre enfin l’opportunité de voler à son bord, rapidement. Ravi de voir bientôt son rêve se concrétiser, il se charge des modifications nécessaires.

En juin 1964, Feoktistov est admis à l’âge de 38 ans, dans le 1° groupe de cosmonautes civils. Il est connu pour son calme, sa persévérance et son intransigeance. Il aime philosopher et ses collègues cosmonautes l’écoutent religieusement lorsqu’il leur décrit le futur cosmique de l’humanité. Il pratique très peu le ski, la chasse et le ping-pong.

Après des examens médicaux, les médecins lui interdisent les sauts en parachute et les exercices sur le trampoline, à cause de sa vue imparfaite et de la légère malformation de son épine dorsale. Sa condition physique l’empêche d’être retenu en juillet 1964 dans l’équipage principal de Voskhod 1. C’est Katys, ingénieur-scientifique comme lui, qui est désigné. Korolev s’y oppose mais les médecins et le Directeur des équipages Kamanine, maintiennent leur décision. Korolev demande alors l’arbitrage du ministre de la Santé qui décide de signer un certificat médical sur l’aptitude au vol de Feoktistov.

Du 12 au 13 octobre 1964, à bord de Voskhod 1 (5,32 tonnes/5,42 mètres), Feoktistov réalise avec succès le rêve de son enfance, son unique vol autour de la Terre en 1 j 17 mn, en compagnie du commandant de bord Komarov et du médecin Egorov. C’est le premier vol d’un vaisseau triplace et de civils. C’est la première fois aussi qu’un homme vole à bord d’un engin qu’il a conçu.

Deux heures après le début de la mission, Feoktistov souffre d’une désorientation qui va durer tout au long du vol, mais elle ne l’interdit pas de relever les paramètres de l’appareillage de bord, de prendre des clichés de l’horizon terrestre, d’examiner les aurores polaires et de vérifier le comportement des liquides.

De retour sur Terre, Feoktistov reprend ses activités sur le développement du Soyouz qu’il veut essayer en vol. En septembre 1965, Korolev exige de Kamanine que Feoktistov fasse partie du premier groupe de cosmonautes, chargé d’expérimenter le nouveau vaisseau. Mais en 1966, Korolev décède et de jeunes cosmonautes ingénieurs concurrents sont recrutés.

En mai 1967, Feoktistov essaie de convaincre Kamanine de le nommer pour piloter le Soyouz en cours de modification, après la mort de Komarov en avril 67. Kamanine estime que cette mission revient à un pilote d’essai. Michine, le successeur de Korolev, veut que Feoktistov ait au moins la possibilité de voler sur un vol suivant. Son aptitude est reconnue de justesse par une Commission avec neuf voix contre huit. Cependant, ses membres sont partagés quant au choix de la mission. Ils laissent aux autorités le soin de se prononcer mais, en octobre 1967, Feoktistov tombe malade : il souffre d’ulcères gastro-intestinaux.

En février 1968, Feoktistov revient à la charge auprès de Michine qui demande à Kamanine de le désigner commandant du Soyouz chargé de l’arrimage avec un autre vaisseau. Kamanine refuse. Il ne veut pas " envoyer un invalide dans l’espace ". Feoktistov attend des jours meilleurs et commence à mettre au point le Soyouz T et les cargos Progress de ravitaillement des futures stations Saliout. Il dirige également une équipe chargée des études en vue d’un atterrissage habité sur Mars.

En avril 1970, Michine souhaite que Kamanine nomme Feoktistov, membre d’un équipage de la station Saliout 1. Kamanine n’accepte pas à cause de sa mauvaise santé et de son deuxième divorce. Un an plus tard, il fait remarquer que Feoktistov ne respecte pas les traditions et qu’il est le seul cosmonaute à ne pas avoir assisté aux cérémonies du 10° anniversaire du vol de Gagarine. Deux mois après, Kamanine est démis de ses fonctions après la mort en juin 71 des trois cosmonautes de Soyouz 11, de retour après un premier séjour à bord de Saliout 1. Feoktistov espère qu’avec son successeur, le cosmonaute Chatalov, les relations seront meilleures.

En 1973, Feoktistov figure parmi les pétitionnaires qui se plaignent du mauvais travail effectué par Michine dans l’organisation du programme spatial et plus particulièrement des crédits qu’il persiste à accorder pour remédier aux défaillances continuelles de la fusée lunaire habitée N-1, au détriment des stations orbitales. Ils sont entendus : Michine est contraint de démissionner en 1974 et l’accent est mis sur le développement du programme de stations. Feoktistov devient alors un des Chefs ingénieurs de la série des Saliout, Directeur de l’entraînement des cosmonautes à leur bord et Directeur de vol de certaines missions.

En mai 1980, Chatalov désigne Feoktistov membre de l’équipage du Soyouz T3, pour une mission de réparation du système du contrôle thermique de Saliout 6. Mais il doit être remplacé par Strekalov, victime de nouveaux ennuis de santé. Rétabli, Chatalov le nomme en juin 1983, pour participer au vol Soyouz T10 et séjourner huit mois à bord de Saliout 7. Des problèmes médicaux l’empêchent de partir et sa doublure Solovyov prend sa place. Il espère une prochaine amélioration et il collabore à la création de la station Mir.

Feoktistov critique durement dès 1985, Semenov, le directeur du programme de la " coûteuse " navette spatiale Bourane qui doit servir à remplacer plus tard le module central de Mir lancé en février 86, puis à assembler et à desservir Mir 2. Il estime que les lanceurs Proton et les Soyouz peuvent effectuer ces missions, pour beaucoup moins cher. Ces opérations n’auront pas lieu, ni avec des fusées et des Soyouz, ni avec la navette qui n’effectuera qu’un vol automatique en novembre 1988, avant l’abandon du programme.

Ayant perdu définitivement l’espoir de revoler, Feoktistov quitte le Corps de Cosmonautes en octobre 1987, à 61 ans. Il continue à travailler activement pour l’Espace au sein de l’organisation NPO Energia. Mais en 1989, Semenov est nommé Directeur Général de cette société et Feoktistov préfère la quitter en 1990, pour devenir professeur de sciences spatiales à l’Ecole Technique Supérieure Bauman de Moscou où il avait été étudiant. Feoktistov meurt le 22 novembre 2009, à l'âge de 83 ans.

Publié dans cosmonautes

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