Alexei Elisseev

Publié le par jijiaile

 

Le 15° cosmonaute, Alexei S. Elisseev, est né le 13 juillet 1934 à Jizdra (Terre) dans la région de Kalouga où vit Tsiolkovski, le génial fondateur de l’astronautique moderne. Cinq ans après sa naissance, Alexei va perdre son père qui s’oppose ouvertement à la politique stalinienne d’autorité et de contrainte. Il est arrêté et envoyé en prison pour "agitation anti-soviétique". Alexei grandit et sa mère va remarquer très vite les capacités intellectuelles de son enfant qui s’intéresse d’abord à l’aviation, puis à la cosmonautique. Il se plonge avec passion dans la lecture des ouvrages de Tsiolkovski, comme " L’Espace libre ", " L’exploration des espaces cosmiques par des engins à réaction", " Les trains de fusées cosmiques ".

Sa mère craint cependant que le nom de son mari (Kureytis) que son fils porte, soit une entrave pour son avenir qui se veut prometteur. A l’âge de 16 ans, Alexei va alors prendre le nom de famille de sa mère, Elisseev. Après avoir terminé ses études secondaires, il souhaite se consacrer aux sciences appliquées qu’il apprend à l’Institut polytechnique Bauman de Moscou. C’est à la fois un étudiant remarquable et un redoutable escrimeur qui, par deux fois, remporte le championnat des universités d’URSS.

En 1957, Elisseev quitte cet établissement avec une licence en sciences techniques et un diplôme d’ingénieur, pour rejoindre le Bureau d’études (OKB) de Korolev, le "Constructeur Principal" et le Chef du programme spatial, chargé de la conception des véhicules spatiaux habités Vostok, Voskhod et Soyouz. Après le vol de Gagarine le 12 avril 1961, il exprime son désir de devenir cosmonaute à Korolev qui l’encourage vivement, car il veut que des ingénieurs civils et des scientifiques embarquent, comme les pilotes militaires, à bord des vaisseaux.

La candidature d’Elisseev n’est malheureusement pas acceptée en juin 1964, mais il a la possibilité de s’initier aux techniques des sorties spatiales avec Leonov et sa doublure Khrounov, pour le vol Voskhod 2 de mars 1965. Deux ans plus tard, Michine, le successeur de Korolev, décédé en janvier 1966, décide de constituer un groupe de cosmonautes civils, sans l’accord du ministère de la Défense qui a la mainmise sur la sélection et l’entraînement des navigateurs de l’Espace.

En mai 1966, Elisseev est admis, à l’âge de 32 ans, dans l’équipe des huit cosmonautes-ingénieurs et il va être le premier à s’envoler. Courtois, mais peu causant, il aime peindre et jouer aux échecs. Il pratique l’escrime et le ski nautique. Il parle correctement le français qu’il a choisi alors qu’il était élève.

Michine va se heurter au puissant Kamanine, le Chef des équipages, en lui demandant de remplacer les pilotes de l'Armée des deux premières missions du Soyouz par les ingénieurs récemment recrutés et qui ont travaillé sur le vaisseau. De plus, il veut qu'Elisseev prenne le commandement de Soyouz 2. Kamanine juge cette proposition irréalisable, car le délai est trop court pour les former, avant les vols prévus en octobre 1966. Un accord partiel intervient en août 1966, parce que les missions sont reportées sur l'année suivante. Un seul ingénieur civil participera à un prochain vol. Il s'agit d’Elisseev qui est affecté sur Soyouz 2, avec Khrounov et le commandant Bykovsky. Il est prévu que la cabine s’amarre au Soyouz 1 occupé par Komarov qui recevra Elisseev et Khrounov, après leur sortie dans l’Espace.

Sitôt sa nomination rendue officielle, Elisseev voit ressurgir les heures sombres de son enfance. Les services de renseignements (KGB) informent les responsables spatiaux qu’il porte le nom de sa mère et que son père, Stanislas Kureytis, est un ancien condamné politique. Le général Kamanine ne voit aucune raison de l’exclure de l’équipage. Il n’est pas responsable des actes de son père qui remontent à près de trente ans. Il prie le KGB de lui donner rapidement son avis définitif pour ne pas retarder le vol. En attendant, on demande à Koubassov d’activer son entraînement pour remplacer éventuellement Elisseev. Quinze jours après, au début du mois de décembre 1966, le KGB se range à l’avis de Kamanine. Elisseev est soulagé. Il peut partir sur Soyouz 2 et il est, de plus, sélectionné comme copilote pour un des six futurs survols de la Lune (Programme L1).

Mais le 24 avril 1967, le tir de Soyouz 2 est annulé, suite aux précipitations qui tombent sur le cosmodrome et au mauvais comportement de Soyouz 1, lancé la veille avec Komarov, qui retourne en catastrophe sur Terre où il s’écrase, en raison de la défaillance du système de parachutes. Elisseev vient d’échapper à la mort, puisqu’il devait revenir dans Soyouz 1. Tout en poursuivant son entraînement, le cosmonaute continue ses études et il obtient en 1967, une maîtrise en sciences techniques. Nommé membre de l’équipage de Soyouz 5, il se prépare de nouveau à une répétition autour de la Terre, d’une phase de la mission d’atterrissage lunaire (Programme L3) qui aurait du avoir lieu en avril 1967.

Du 15 au 17 janvier 1969, Elisseev effectue à bord de Soyouz 5 (6,58 tonnes/6,98 mètres) et de Soyouz 4 (6,84 tonnes), son 1er vol de 1 j 23 h 45 mn, en compagnie de Khrounov et du commandant Volynov à l'aller, puis avec Khrounov et le commandant Chatalov au retour.

Le lendemain, son vaisseau (représentant le module lunaire LK après son décollage de la Lune) sert de cible d’accostage au Soyouz 4 (le module orbital LOK) piloté par Chatalov lancé deux jours plus tôt. Pour la première fois a lieu l’amarrage de deux engins habités. Une autre première intervient : le transfert de cosmonautes d’une cabine à l’autre. Cette opération simule, à deux reprises, le passage par l’extérieur du piéton lunaire quittant le LK pour rejoindre le LOK.

Une fois l’écoutille du module orbital du Soyouz 5 ouverte, Elisseev sort dans le vide, après Khrounov. Grâce aux rails fixés sur les vaisseaux, le cosmonaute peut avancer plus facilement et exécuter des tâches, comme monter et démonter des mains-courantes et des projecteurs ou vérifier les moteurs d’attitude. Il rentre à la suite de Khrounov dans Soyouz 4, accueillis par Chatalov et clôturant la sortie de 37 mn. Après un amarrage de 4 h 33 mn, Soyouz 4 revient sur Terre. En changeant de vaisseau, Elisseev ne va pas subir le retour très mouvementé de Volynov dans Soyouz 5, le lendemain.

Compte tenu du succès américain d’Apollo 8 autour de la Lune en décembre 1968 (qui va mettre fin au programme soviétique L1 de survol de la Lune) et du possible atterrissage sur la Lune d’Apollo 11 en juillet 1969, les autorités spatiales et politiques de l’URSS veulent montrer qu’elles sont capables de réaliser une autre première spatiale : la mise en orbite d’une station orbitale, Saliout, dont la construction va s’accélérer. Elle doit être précédée par une opération spectaculaire. Trois vaisseaux vont être lancés successivement, avec l’amarrage de deux d’entre eux sous la surveillance du troisième et l'échange de cosmonautes, pour répéter la relève des équipages d’une station. Elisseev est associé à ces missions, comme doublure de Koubassov de Soyouz 6, de Volkov de Soyouz 7 et de Sevastianov de Soyouz 8.

En attendant ce triple vol, Elisseev se rend en juin 1969 au Salon du Bourget où il fait la connaissance de l’équipage d’Apollo 9, McDivitt, Scott et Schweikart. A son retour, le cosmonaute apprend avec satisfaction qu’il est désigné comme occupant d’un futur vaisseau lunaire L3, chargé d’attendre autour de la Lune, la remontée de son compagnon à bord du module lunaire. Pour préparer cette rencontre, Elisseev doit tester en novembre 1969 avec Khrounov, le nouveau système Kontakt de rendez-vous et d’amarrage qui doit équiper le navire lunaire. Cette mission est annulée après le deuxième échec du tir inhabité de la fusée géante lunaire N1 le 3 juillet 1969 et la réussite de l’atterrissage sur la Lune d’Apollo 11, le 20 juillet 1969. Elisseev pense alors qu’il ne partira pas une seconde fois cette année pour le Cosmos. Heureusement pour lui, il va être nommé membre de l’équipage de Soyouz 8, en remplacement de Sevastianov qui a échoué à son examen d’aptitude au vol, comme Nikolaïev dont Chatalov prend la place. C’est donc l’équipage des doublures qui va décoller.

Du 13 au 18 octobre 1969, Elisseev réalise à bord de Soyouz 8 (6,84 tonnes), son 2ème vol de 4 j 22 h 50 mn autour de la Terre, accompagné du commandant Chatalov avec qui il fait équipe une deuxième fois. Ils deviennent les premiers cosmonautes à effectuer une deuxième mission.

Soyouz 8 doit rejoindre le Soyouz 6 de Chonine et Koubassov parti le 11, ainsi que le Soyouz 7 de Filipchenko, Gorbatko et Volkov, lancé le 12.

Pour la première fois, trois vaisseaux se trouvent en même temps dans l’Espace avec un nombre record de 7 cosmonautes. Mais le système Igla de rendez-vous automatique va tomber en panne et empêcher l’amarrage de Soyouz 8 avec Soyouz 7 qui ne peuvent s’approcher qu’à 500 mètres l’un de l’autre. Elisseev est déçu de ne pouvoir échanger sa place avec Volkov.

L’échec de la rencontre des Soyouz ne retarde pas cependant le déroulement du programme de station orbitale. Elisseev est sélectionné pour faire partie du premier équipage d’occupation de Saliout 1 (18,50 tonnes/15 mètres) lancée le 19 avril 1971, deux ans avant la station américaine Skylab.

Du 23 au 25 avril 1971, Elisseev accomplit sa 3ème et dernière mission d’1 j 23 h 45 mn sur Soyouz 10 (6,57 tonnes) autour de la Terre, avec Roukavichnikov et le commandant Chatalov (remplaçant de Chonine) qu’il retrouve une troisième fois. Elisseev et Chatalov sont ainsi les premiers cosmonautes à réaliser un troisième vol.

Le départ a lieu de nuit, pour la première fois dans l’histoire spatiale, mais le verrouillage entre la station et le vaisseau ne s’effectue pas correctement. Les amortisseurs de la sonde d'amarrage du Soyouz sont endommagés par la vitesse d’arrivée du vaisseau sur la pièce d’accostage de Saliout, causée par un trop long fonctionnement automatique des moteurs d’attitude. Après une jonction imparfaite de 5 h 30 mn, Elisseev revient d’urgence sur Terre avec ses compagnons, désolés de ne pas avoir pu pénétrer dans la station pour y séjourner un mois. Pour la première fois, un vaisseau se pose de nuit, à 50 mètres d’un lac.

Depuis son intégration dans le Corps des Cosmonautes, Elisseev n’a cessé de poursuivre ses études supérieures, tout en s’entraînant. En 1973, il reçoit son diplôme de Docteur en sciences techniques, puis il est nommé Directeur de vol au Centre de contrôle Kaliningrad, chargé du suivi des missions spatiales. Il va se rendre aux Etats-Unis pour la préparation du vol américano-soviétique Apollo-Soyouz, mais aussi en France. Le 25 mai 1973, Elisseev repart au Salon du Bourget et rencontre Stafford ainsi que l’équipage d’Apollo 17, Cernan, Schmitt et Evans. Le 4 juin suivant, il visite, avec Filiptchenko, le musée de la Libération de Sainte-Mère-Eglise et, après avoir été reçu à l’hôtel de ville, il parcourt la Normandie. En 1982, il cesse ses fonctions de Directeur de vol et travaille à plein temps au groupement industriel spatial NPO Energia dont il devient Directeur-adjoint.

En décembre 1985, Elisseev quitte le programme spatial à l’âge de 51 ans pour retourner à l’Institut polytechnique Bauman de Moscou, comme professeur, puis en qualité de recteur jusqu’en 1991. Il va aussi être élu Député au Parlement et Directeur de Rodiny, une organisation qui aide les Russes vivant à l’étranger.

Publié dans cosmonautes

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